Le travail demain : nouvelle donne ?

Juin 2020

Tribune Le Figaro – Les leçons de la crise sanitaire analysées par six dirigeants d’entreprise: Jean-François Couëc (Kardham), Jérôme Hubert (Pinette PEI), Fanny Letier et François Rivolier (Geneo capital entrepreneur), David Mahe (Human and Work), Matthieu Malledant (Hoppen), Thierry Mosa (Dickson PTL) et Philippe Soullier (Valtus).

Parce que la crise du Covid-19 a mis toute l’économie mondiale à l’arrêt, et plus d’une moitié de l’humanité en confinement, ses conséquences – économiques et psychologiques – seront longues et profondes. La «reprise» ne sera pas le prolongement des tendances pré-crises. Certaines tendances de fond se sont déjà accélérées (comme la digitalisation des entreprises). D’autres sont questionnées et pourraient s’inverser (par exemple, la mondialisation) même s’il est probablement trop tôt pour tirer des conclusions définitives.

Ce qui est certain, c’est que le rapport au travail a déjà changé. Le contexte interpelle chefs d’entreprise et collaborateurs à repenser, ensemble, l’organisation et les pratiques de travail. Pour ceux qui ont continué à travailler à distance, le confinement a agi comme un électrochoc. Des changements qui, jusqu’à présent, étaient jugés impossibles ont eu lieu.
«Ce qui ne me détruit pas me rend plus fort», a écrit Friedrich Nietzsche. Cette crise nous a forcés à innover au plan managérial et technologique pour préserver nos entreprises et nos emplois. Sachons capitaliser sur les enseignements du confinement pour mieux redémarrer. Qu’avons-nous appris ?

1. Donner du sens à la reprise

La construction de l’avenir impose de préserver et développer l’essentiel: le capital humain, trésor de toute entreprise. Dans la plupart des cas, il a été affecté. Car cette crise, sociétale, a affecté chaque collaborateur en son for intérieur. Et la dynamique propre à chaque entreprise, sa capacité de résilience et de rebond, dépend aussi directement de l’engagement des collaborateurs. Mis en chômage partiel ou en télétravail, ils ont parfois découvert un autre cadre de vie, loin du stress, du bruit et de la pollution des métropoles. Ils ont en tout cas pris du recul sur leur entreprise, sur leur vie personnelle, sur leur équilibre professionnel et familial.

Reprendre oui, mais comment, et pour quoi faire? Comment susciter l’engagement de tous dans une dynamique de rebond? On ne manage pas par le «comment» mais par le «pourquoi». Qu’on l’appelle raison d’être, engagement, utilité, cette crise pose la question du sens et de l’impact de chaque entreprise, qui font la motivation intrinsèque des collaborateurs… à condition d’agir et incarner. La confiance naît de l’alignement entre ce que l’on pense, ce que l’on dit et ce que l’on fait: cette congruence a été la principale force d’entraînement pendant les semaines difficiles ; elle reste clé pour les semaines à venir.

Donner du sens à la reprise, c’est aussi expliquer à chacun son impact personnel et sa contribution au collectif et à la construction du monde de demain. C’est renforcer ce sentiment d’appartenance et d’utilité.
C’est faire grandir nos managers intermédiaires pour qu’ils relayent cette énergie. C’est revisiter la vision d’abord, et nos pratiques managériales ensuite.

2 – Fédérer tous les talents

Ces dernières semaines l’ont montré, les forces contributives de l’entreprise sont riches: la réussite d’une entreprise, c’est l’ensemble des collaborateurs directs, qui se sont pour certains révélés dans cette période si particulière. Mais c’est aussi tous ceux qui se sont connectés aux conférences téléphoniques et aux visioconférences ; ceux qui sont se mobilisés pour nous assister dans le déploiement de nos plans de continuité, déployer les outils informatiques, fournir le matériel de sécurité, pour assurer les approvisionnements, pour gérer les délais de paiement….

Nos DRH de demain doivent gérer cette notion élargie de collaborateurs et être des fédérateurs de compétences.

Talents internes ou externes, en CDI ou CDD, en prestation ou intérim, en apprentissage, en mission de conseil, en temps partagé ou en stage ; fournisseurs, prestataires, clients, pouvoirs publics nationaux ou locaux: ils ont tous fourni une partie des solutions.

Nous, chefs d’entreprises, devons fédérer ce collectif gagnant, ces ambassadeurs, ces «faiseurs», en intégrant aussi la dimension d’inclusion et de diversité (mixité, handicap, territoires, âges) qui renforce tellement le ciment humain de l’entreprise. Et nos DRH de demain doivent gérer cette notion élargie de collaborateurs et être des fédérateurs de compétences.

3. Autonomie, agilité, responsabilité

L’expérience du travail à distance a aussi mis en évidence les formidables capacités d’autonomie et l’intelligence des salariés.

L’usage intensif des outils digitaux ces 8 dernières semaines est un formidable accélérateur de la performance collective de demain. En aplatissant nos organisations, en privilégiant l’autonomie sur la hiérarchie, en raccourcissant les canaux de communication et de validation, n’avons-nous finalement pas été plus productifs et plus innovants ces dernières semaines? À nous, demain, de garder cette dynamique et d’éviter un retour fracassant des rigidités hiérarchiques et organisationnelles qui créent du «surtravail».

Gardons-nous toutefois des grands effets de balancier, à passer du «tout bureau» au télétravail massif. Le recours accru au télétravail doit être pensé dans un équilibre subtil entre physique et digital, entre vie familiale et vie professionnelle, entre performance individuelle et efficacité collective, entre autonomie et lien social. Il doit être accompagné, au plan managérial et organisationnel, par de nouveaux outils qui servent ces équilibres.

4. Des locaux plus sûrs, plus attractifs, plus signifiants

Le développement des nouvelles formes de travail et en particulier l’extension du télétravail aura sans nul doute un impact immobilier. Déjà beaucoup de prises de parole laisse présager sur probable révision à la baisse des budgets en lien avec la diminution de la superficie nécessaire.

Au-delà du traditionnel débat sur flex-office et bureau fermé, l’époque appelle à une réflexion profonde couplant la réflexion immobilière et spatiale à la réflexion stratégique et managériale. Comment, à court terme, adapter les lieux de vie et les règles de fonctionnement en entreprise pour exercer une activité en toute sécurité ?

La reprise ne se fera pas sans un collectif humain.

Comment, plus structurellement, créer de nouveaux espaces pour la rencontre, la collaboration et la transversalité ? Comment, au fond, construire une organisation privilégiant confiance, résilience et réalité du travail ? Comment refléter, dans les locaux, le sens donné à l’action d’entreprise et le projet qui, chaque jour, motive ses collaborateurs ? Comment recréer de l’engagement avec de nouveaux espace de travail et de vie?

Un débat participatif avec nos équipes peut, là aussi, donner de belles réalisations et augmenter l’énergie de chacun. La reprise ne se fera pas sans un collectif humain. Nous, entrepreneurs, avons la responsabilité de le forger, à l’échelle de notre entreprise et de son écosystème. Emparons-nous de ces leviers, développons l’humain au travail et créons ensemble les conditions du succès.

Crédit photo : Le quartier d’affaires de La Défense, à Paris, aux premiers jours du déconfinement. Jean-Christophe Marmara/Le Figaro

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