Prison de demain : l’architecture doit concilier contraintes sécuritaires et humanisation du cadre carcéral

Juillet 2021

Le Plan 15 000 places du gouvernement est au centre de toutes les attentions avec la divulgation récente des sites qui accueilleront les nouveaux centres pénitentiaires à horizon 2027. S’il s’agit de construire plus, la refonte du modèle carcéral doit aussi penser à construire différemment pour conjuguer sécurité et dignité.

Article de Romuald Dobrzynski, Architecte Associé du Groupe Kardham, paru dans Construction 21 le 12/07/2021

Une prison contextualisée et ouverte sur son environnement

Repenser la prison de demain implique tout d’abord de concevoir le bâtiment pénitentiaire comme un projet dialoguant dans son environnement urbain immédiat et donc réfléchir aux contraintes climatiques, géographiques ou sociales de sa localisation.

Située en centre-ville, la nouvelle maison d’arrêt de Basse-Terre (Guadeloupe) qui doit être livrée en 2024 témoigne d’un projet architectural fonctionnel et humaniste très bien intégré dans son environnement. Un projet atypique parce que positionné sur l’avenue principale de Basse-Terre et contigu au quartier historique de la ville, avec toutes les contraintes urbaines existantes, dont 20 mètres de dénivelé alors que tous les déplacements en univers carcéral doivent se faire à l’horizontal. Un vrai défi architectural qui impose une complète réinterprétation des espaces carcéraux. Concernant les contraintes climatiques, le choix a par ailleurs été fait d’un bâtiment d’hébergement ouvert, un autre pari en milieu carcéral. Ainsi, la circulation centrale traditionnelle qui prévoit des cellules disposées de part et d’autre a été repensée au profit d’un bâtiment mono-orienté, avec des cellules positionnées d’un seul côté de façon à prioriser la ventilation naturelle et son confort ressenti.

Autre exemple de la nécessité d’adapter le bâtiment aux contraintes environnementales : la maison d’arrêt Majicavo sur l’île volcanique de Mayotte. Les quartiers y ont été complètement retravaillés pour s’adapter au milieu tropical et à la ventilation naturelle. Situé sur un terrain difficilement exploitable car contigu au lagon avec des risques de tsunami et sur une pente importante, le projet a réinterrogé sur l’intégralité des systèmes constructifs.

Localisé sur une commune littorale et soumis au climat tropical, le projet d’extension et de requalification de la maison d’arrêt de Baie-Mahault, qui doit également être livré en 2024, a lui aussi demandé une attention toute particulière au regard des phénomènes naturels auxquels il fait face : risques d’inondation, cycloniques et sismiques. La conception du projet, avec des solutions techniques adaptées, a permis la bonne prise en compte des contraintes et caractéristiques du site. Par exemple, le choix de l’implantation du bâtiment à l’ouest du site existant, sur une zone constructible, met à distance la construction de la zone inondable à fort enjeu de biodiversité, située à l’est du site. Tous les bâtiments ont par ailleurs été retravaillés pour s’adapter au climat avec la création d’ilots de fraîcheur au cœur des bâtiments. Au final, le projet témoigne de l’importance d’analyser et réinterpréter les programmes de l’Agence publique pour l'immobilier de la justice pour arriver à travailler avec de fortes contraintes.

 

Une architecture apaisée

Si la prison de demain doit être de plus en plus intégrée dans son environnement, elle doit aussi pouvoir proposer une architecture la plus apaisée possible dans l’interprétation des allégories architecturées. Trouver la ligne de crête qui permette d’apporter des perspectives dans des contraintes carcérales très orientées.

Cela suppose de travailler à la fois sur le bâtiment mais également sur la qualité des déambulations entre bâtiments, des zones d’enseignement et des optimisations des distances à parcourir. Contrairement à leurs aînés, historiquement conçus de manière à accueillir les salles d’activités communes au rez-de-chaussée et les hébergements à l’étage, les nouveaux projets pénitentiaires peuvent tout d’abord prévoir de dissocier les fonctions communes et les hébergements, de sorte à créer des bâtiments différenciants.  En revoyant la conception des typologies d’espaces, on peut aboutir à la création de bâtiments moins hauts et donc à une vision adoucie pour les utilisateurs de leur environnement immédiat.

Une déambulation apaisée peut aussi passer par une reconsidération des circulations primaires de la prison. Ces circulations de déplacement principal conjuguées à une répétition de bâtiments écrits sur un même modèle architectural et fonctionnel sont sources de pertes de repères dans l’espace pour l’utilisateur. Or, tout en ayant des bâtiments homogènes, il est possible de les différencier jusqu’à l’unité, jusqu’à la cellule, avec cette idée que la personne, où qu’elle déambule dans le centre, arrive à se repérer. Là encore, tout est une question de bon dosage pour pouvoir apporter du confort et de l’humain dans des programmes très réglementés du fait de la sécurité active et passive.

Travailler sur les cœurs de sites des centres pénitenciers est enfin un autre levier d’architecture carcérale apaisée. Conçus de manière à accueillir les espaces d’enseignements, culturels, cultuels et de soins, avec des hébergements répartis en périphérie, il peut être préconisé, à l’image d’une place en cœur de ville, de revoir leur organisation, de travailler sur le minéral, le végétal, les couleurs, les matériaux. A Basse-Terre, les zones de détention s’ouvrent ainsi côté intérieur sur des cours végétalisées ombrophiles qui ont fait l’objet d’une attention maximum et toutes les cellules bénéficient d’une vue. Ici encore, il s’agit de relier les bâtiments à des environnements connus, à des écritures qui viennent de la vie extérieure.

On le voit, concevoir des projets pénitentiaires nécessite de s’interroger sur un certain nombre de fonctionnalités. La complexité des projets requiert d’intégrer de nombreuses contraintes où l’architecte doit plus que jamais innover pour réinventer des programmes en apparence normalisés.

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Nathalie Neyret

Nathalie Neyret

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