10 questions sur le flex-office avec Nicolas Cochard, Responsable R&D de Kardham

Avril 2021

La crise sanitaire actuelle conduit les directions immobilières à s’interroger sur l’avenir de leur bureau. Né, il y a près de 40 ans, le flex-office est l’une des solutions permettant d’optimiser l’occupation des locaux en permettant à chaque usager de choisir son poste de travail. Synonyme de perte de territoire pour les uns et de source de bien-être pour les autres, cette notion est aussi perçue comme un accélérateur de flexibilité au sein de l’entreprise. Faisons le point sur le flex-office et la notion complexe de flexibilité.

Article paru dans la revue Opérations Immobilières d'Avril 2021.

1. Comment définir la flexibilité de l'espace ?

Malgré une importante quantité de recherches sur la flexibilité, l’absence de définition claire favorise l’instrumentalisation qui en est faite dans le débat car la flexibilité est à la fois la meilleure et la pire des perspectives selon les uns ou les autres. Le débat ne doit donc pas être manichéen, « flex ou pas flex », y compris pour le flex office.
La flexibilité spatiale n’est pas une finalité mais plutôt une stratégie qui met en place les conditions pour parvenir à la performance de l’organisation. La flexibilité spatiale s’entend alors comme un cadre conceptuel et matériel qui donne un cadre culturel.
Beaucoup de définitions s’accordent sur le fait que la flexibilité des organisations désigne la capacité de varier les options organisationnelles, le champ décisionnel et opérationnel, de limiter la contrainte et de maîtriser les temporalités courtes. Cette flexibilité doit s’inscrire dans un cadre stable car flexibilité n’est pas désordre. La définition de flexibilité est donc difficile car chaque organisation trouve ses propres chemins vers la flexibilité et c’est en partie pour cela qu'il est difficile de la définir.

2. Le flex-office est-il un aménagement nouveau ?

Non. D’une certaine manière, le bureau flexible apparaît dans les années 1980 comme une traduction spatiale de la nouvelle donne post Trente Glorieuses, moins axée sur la linéarité. Progressivement le bureau non territorial, dans lequel on privilégie l’usage à la place, apparaît. C’est ce qu’IBM avait déjà conçu en 1970 aux États-Unis à travers des bureaux cellulaires non attribués agrémentés d’une variété d’espaces dédiés à d’autres fonctions que la tâche de production individuelle. Les prémices du flex office sous la forme Activity Based Working sont là.
La conceptualisation du bureau flexible est l’oeuvre de deux professeurs d’Harvard, Philip Stone et Robert Luchetti qui, en 1985 dans un article intitulé « Your office is where you are », promeuvent un poste de travail individuel réduit au profit d’autres espaces favorisant les déplacements et le travail collectif. L’entreprise est perçue comme réticulaire et l’espace doit être un levier pour activer ce réseau.
Si l’optimisation des surfaces et donc celle de l’important poste de dépense que constitue l’immobilier est une donnée d’entrée indéniable, le bureau flexible est aussi le résultat d’un environnement économique plus incertain mais également de l’évolution des modes de travail qui peuvent être qualifiés de « nouveaux » pour les cadres du secteur tertiaire.

3. La mise en place d'un flex-office n'est-elle qu'un projet d'optimisation des surfaces ?

L'immobilier est le deuxième poste de coûts d'une organisation après la masse salariale.
Le flex office est alors une des réponses possibles pour maîtriser les coûts de l’environnement de travail pour deux raisons principales. Il permet d'optimiser l'occupation du poste de travail dans un contexte de présence aléatoire des salariés. La flexibilisation de l’espace de travail conduit, également à une flexibilité de l’organisation, mieux à même d’absorber facilement ses évolutions, la croissance des effectifs ou une reconfiguration organisationnelle notamment. Cependant, un projet de flexibilisation des environnements de travail qui ne se limiterait qu’à la dimension économique serait sans doute voué à l’échec.
La dimension économique est une donnée d’entrée majeure d’un projet de flex office et on ne saurait le nier. Seulement, il convient de rappeler que de nombreux projets ne diminuent pas forcément les surfaces et le gain se fait principalement au niveau du poste de travail qui, une fois partagé, est optimisé. C’est pour cela que le flex office se définit d’abord par un ratio entre le nombre de salariés et le nombre de postes de travail, en n’oubliant pas qu’une position de travail individuelle s’accompagne le plus souvent d'autres positions de travail dans d'autres espaces de l'entreprise. Le flex office actuel intègre des considérations liées au bien-être et à la satisfaction, chemins vers la création de valeur dans les environnements de ce type.

4. Que gagne-t-on avec le flex-office ?

Le flex-office permet de gagner en capacité de choisir tout au long de son parcours de travailleur le meilleur endroit pour effectuer une tâche, ceci étant valable à la fois dans les murs et hors les murs de l’entreprise. Si le flex office s’accompagne réellement d’une flexibilité du parcours utilisateur, il y a un gain de qualité de vie globale, en lien avec une meilleure performance. Les gains liés à la mise en oeuvre d’un environnement flexible relèvent alors finalement d’une dimension culturelle de l’entreprise avec des valeurs liées à l’autonomie, la confiance et la responsabilisation. Les gains liés au flex office peuvent donc être observables à l’échelle individuelle.
Cependant les gains les plus clairement identifiés le sont à l’échelle collective avec possiblement des dynamiques sociales internes qui stimulent l’échange, le partage et la circulation de l’information. Mais entendons-nous bien, l’espace n’est qu’un levier puisque ces dynamiques relèvent de l’humain et la transformation spatiale n’est jamais qu’un support. 

5. Le flex-office est-il meilleur pour la collaboration ?

La promotion du flex office passe souvent par l’affirmation de son rôle direct dans la collaboration. Le flex office semble être une adaptation spatiale au besoin de collaborer, autrement dit de penser le travail autrement qu’à partir de la production individuelle de chaque salarié. Pourtant, l’efficacité de la collaboration dans les espaces qui la promeuvent n’est pas encore prouvée.
La collaboration nécessite des espaces spécifiques, ce que la flexibilisation peut permettre du fait de l’optimisation des surfaces dédiées aux postes de travail individuels. Ces espaces de collaboration doivent d’ailleurs se situer au plus près des postes de travail individuels afin d’en faire une ressource facilement accessible.
Le principe de la flexibilisation est toujours de faire de l’espace une ressource et jamais une contrainte. Le principal atout de la flexibilité des espaces de travail réside alors dans le contrôle de la situation de collaboration que permet la multitude d’espaces proposée.
L’espace flexible, accompagné d’une autonomie dans la gestion de sa mission, permet alors aux travailleurs de trouver la meilleure situation de collaboration. La grande satisfaction observée chez les utilisateurs en flex office provient essentiellement de leur capacité à choisir et à contrôler les moments et les conditions de la collaboration.

6. Qu'est-ce qui est perdu avec le flex-office ?

Le flex office fait l’objet de critiques essentiellement en lien avec un sentiment de perte à l’échelle individuelle. L’absence de poste de travail attitré perturbe, et c’est normal, l’emprise territoriale des individus sur le lieu de travail. Il ne faut pas sous-estimer ces aspects psychologiques car la territorialité fait partie des besoins immuables des animaux sociaux que nous sommes.
Aussi, la perte du bureau attitré n’est pas incompatible avec des processus de re-territorialisation, d’appropriation et d’attachement à l’espace. Au lieu d’une logique purement individuelle, ce sont des logiques collectives qui se développent alors.
Enfin, si la perte d’intimité, de confidentialité et de repères est souvent évoquée avec le flex office, une culture organisationnelle plus flexible permettra à l’utilisateur de faire un bilan positif entre les pertes et les gains qu’il observera.

7. Pourquoi la participation des salariés est-elle un facteur de succès ?

La participation à la production de son espace répond à un besoin primordial des personnes concernant les questions spatiales car être acteur de la production spatiale, c’est faire sa place, son territoire, son lieu, ce qui donne un sens à sa présence. Et le bon sens indique que la participation des utilisateurs à la production spatiale est un facteur majeur de satisfaction. La participation du personnel à la conception du lieu de travail améliore la perception globale du lieu de travail mais également le confort dans ses trois dimensions : physique, fonctionnelle et psychologique. En caricaturant un peu, un projet de flex office sans participation serait le pire scénario envisageable. Les vertus de la participation des employés à la conception de leur environnement de travail sont nombreuses, ne serait-ce que parce que la négativité globale diminue considérablement en associant les occupants.
La participation favorise un sentiment d’association et constitue une façon de partager la vision de l'entreprise et ses valeurs fondamentales. Elle améliore également le ressenti identitaire du futur espace et favorise l’appropriation, l’attachement, la territorialisation, le sentiment de contrôle, sources de satisfaction. D’autant qu’au-delà du temps de la transformation, la participation des utilisateurs peut s’inscrire dans une dynamique managériale continue d’empowerment. La démarche participative présente alors des vertus qui ne se limitent pas à la dimension spatiale et qui impulsent ou entretiennent des dynamiques sociales positives.

8. Un salarié réticent ou résistant au flex-office, c'est normal ?

La résistance au changement est un comportement tout à fait naturel. Lorsque l’on touche à la spatialité, on touche à l’identité et la place sociale des personnes. On résiste car on craint de perdre ses repères et une partie de son histoire individuelle et collective.
Le fait de montrer de la résistance face à l’introduction d’une nouveauté n’est pas nécessairement une opposition à cette nouveauté mais davantage une crainte de perdre les repères d’avant. Concernant les environnements de travail flexibles, les résistances sont souvent importantes car la perte est importante, ce qui nécessite d’autant plus d’accompagnement et de pédagogie. Une réflexion stratégique transformera les résistances en appuis car elles sont une opportunité pour avancer. En effet, la recherche indique que la résistance est positive car elle relève l’importance de l’environnement de travail aux yeux des salariés. On résiste pour quelque chose qui a de l’importance pour soi et pour lequel des affects entrent en considération. Mais les résistances sont plus faibles lorsque la valeur est créée collectivement. Néanmoins la participation doit être sincère et accorder un vrai pouvoir de décision et d’orientation pour les utilisateurs. La participation insincère est alors source de résistance.

9. Pourquoi le flex-office devient un mot tabou ?

De plus en plus, l’utilisation du mot flex office est proscrite, au moins fortement déconseillée, chez les maîtres d’ouvrage comme chez les conseils, qui y voient une source de difficulté dans la gestion du changement. Le plus souvent, afin d’éviter le mot interdit, on évoque des environnements dynamiques, agiles ou activity based.
Le flex office, dont le terme est clairement une déclinaison du paradigme « flexibilité », était pourtant destiné à l’origine, entre autres, à véhiculer de la positivité, une image de modernité et de bureaux en phase avec leur époque, le paysage des start-up californiennes ayant fourni le mètre étalon.
Seulement, les a priori sont souvent liés à la crainte... et souvent celle de la crainte de perdre avec certitude quelque chose à l’échelle individuelle. Cette perte certaine s’accompagne de gains hypothétiques promus tout au long d’un projet, notamment à l’échelle collective, sans qu’ils soient facilement observables a posteriori. En effet, si les équipes projet, à la fois côté maître d’ouvrage et côté conseil, ont à coeur de promouvoir les effets mélioratifs de la flexibilité spatiale, les résultats restent très aléatoires et questionnent la pertinence des promesses associées au flex office.

10. La flexibilité de l'environnement de travail se résume-t-elle seulement au flex-office ?

Le lieu de travail n’est plus le seul « endroit » de l’environnement de travail. Il devient multiple et n’est plus exclusivement attaché à une centralité. Le télétravail est évidemment le principal facteur de cette multispatialité mais n’étant pas uniforme dans son cadre et dans sa pratique, il donne lieu à des expériences multispatiales très variables.
Le travail anytime anywhere se développe fortement et le flex office est une des réponses à la moindre présence des salariés sur site. L’éclatement de l’espace de travail renforce la centralité à forte valeur qu’est le lieu de travail. C’est alors que la notion d’environnement de travail prend tout son sens car il devient l’ensemble de l’espace matériel et humain dans lequel s’accomplit le travail. Si le travail s’accomplit dans des lieux différents et que le salarié gagne en flexibilité par le choix des endroits les plus propices à sa tâche, alors l’environnement dans sa globalité devient flexible.
Pour autant, si la multispatialité offre plus de possibilités spatiales au travailleur, elle doit rester un choix et non une contrainte car les attentes en la matière sont très hétérogènes. Le flex office n’est alors qu’une traduction sur site d’un environnement de travail devenu
flexible dans une approche organisationnelle et culturelle globale.

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