Comment les architectes de Kardham repensent les bâtiments à l'aune des nouvelles exigences environnementales

Mai 2021

A l'approche de l'entrée en vigueur de la RE2020, le cabinet d'architecture et d'études Kardham renforce la part de matériaux biosourcés dans ses projets. Des difficultés restent latentes sur certains éléments, comme le coût de la pierre française ou l'isolation des passoires thermiques, une "campagne vaine" si les matériaux sont mal choisis.

Interview de David Habrias, Directeur Général du Groupe Kardham parue dans L'Usine Nouvelle en avril 2021.

A compter de janvier 2022, le démarrage, par phases successives, de la nouvelle réglementation environnementale RE2020 va induire de profonds changements dans la conception des bâtiments. “Le gouvernement a fait évoluer tardivement le mode de calcul de l’analyse du cycle de vie, qui survalorise désormais les matériaux biosourcés, ce qui n’était pas le cas auparavant et qui n’est pas le mode de calcul des autres pays européens”, commente David Habrias, directeur général du groupe Kardham, en charge de l’architecture. Dans le mode de calcul précédent, 1 mètre cube de bois pesait 100kg de CO2. Dans le nouveau mode de calcul, 1 mètre de cube de bois a une valeur négative et pèse -250kg de CO2”.

Disposant d'un siège à Paris, Kardham (400 personnes, 72,5 millions d'euros de chiffre d'affaires) assure des prestations intellectuelles (conseil, architecture, ingénierie, design d'espaces, digital) dans le secteur du bâtiment et de l'immobilier. Pour intégrer les exigences de la RE2020 et les enjeux liés au changement climatique, il prône la "biodiversité constructive" : "il faut être capable de trouver les bonnes solutions selon les critères que nous souhaitons adresser. Il faut aussi prendre en compte l'évolution des usages des bâtiments".

Des trames plus fines de bâtiments sont dessinées. "Les structures mixtes commencent à rentrer dans les mœurs, mais, en France, la culture du béton reste forte." Selon les projets, davantage de place est accordée à d'autres matériaux, telle la pierre qui enregistre actuellement de fortes progressions de ventes. "S'il y a un léger surcoût de la pierre française par rapport à la pierre importée, il reste contenu puisque la pierre représentera 3% ou 4% du coût global d'un bâtiment, et qu'on peut justifier d'une surqualité des matériaux locaux", ajoute David Habrias, qui préfère miser sur le made in France. Sur le bois, dont la place va mécaniquement progresser dans la construction, il estime entre trente et quarante ans le délai permis pour appréhender la fin de vie des ouvrages et trouver des solutions de valorisation.

Des matériaux composites difficiles à déployer.

“La campagne d'isolation par l'extérieure contre les passoires thermiques est vaine : vous ne récupérez jamais le carbone des matériaux en économies de chauffage.“

David Habrias, Directeur Général du Groupe Kardham

Au-delà des matériaux, l'adaptation au changement passe aussi par l'isolation. "Pendant très longtemps, les concepteurs ont beaucoup travaillé sur l'enveloppe, et ont sur-isolé des bâtiments. Toute la campagne d'isolation par l'extérieur contre les passoires thermiques est vaine : vous ne récupérez jamais de carbone en économies de chauffage, inférieures au coût carbone de la fabrication des isolants. Cela s'adresse à l'ensemble des bâtiments", tranche David Habrias, dont l'entreprise s'est fait une spécialité des grands équipements (stades, hôpitaux ...)

Pour entrevoir de nouvelles pistes, Kardham réalise actuellement des expérimentations en impression 3D, avec l'Ecole des Ponts. "En ajoutant un faible pourcentage de fibres dans le béton, on arrive à améliorer de 20 à 40 fois ses performances en traction", explique le manager. Toutefois, ce type de matériaux composites est aujourd'hui considéré en Eurocodes 6 (maçonnerie), alors qu'une application plus large dans le bâtiment nécessiterait de tendre vers les Eurocodes 2 (gros œuvre). Ces normes européennes sont relatives au dimensionnement des structures de bâtiment et de génie civil. Autre observation : la mise en œuvre "pas si simple" des bétons dits " bas carbone", en raison de temps de prise allongés.

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Nathalie Neyret

Nathalie Neyret

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