La ville devient-elle un immense bureau ?

Janvier 2021

A la faveur de la crise sanitaire, les modalités du travail connaissent une évolution sans précédent, surtout dans le tertiaire. Le travail « hors les murs » de l’entreprise s’est développé dans une proportion qu’on n’aurait pas soupçonnée au début de cette année.
Dans une enquête menée d’avril à août 2020, Kardham a pu tirer quelques grands enseignements relatifs à la redéfinition en cours de l’environnement de travail, ordinairement plutôt « dans les murs » de l’entreprise mais actuellement plutôt « hors les murs ». Puisque les salariés travailleront désormais beaucoup plus à distance, on peut se demander si la ville ne deviendra pas un immense bureau.

Notre enquête, basée sur plus de 3 000 répondants, a montré que 7,5% de salariés tertiaires avaient une pratique régulière du télétravail avant la crise sanitaire, avec 74% présents 5 jours sur site, mais qu’ils sont désormais plus de 80% à vouloir le pratiquer.
Il y aura bien un avant/après 2020 en matière d’équilibre entre travail distanciel et présentiel. Les répondants ont pourtant eu une grande capacité d’adaptation. Ils ont trouvé que le distanciel, même intense, avait permis des gains d’autonomie pour 74% d’entre eux, de concentration pour 88%, d’organisation pour 77%, avec moins de fatigue pour 72%. Il y a alors un gain potentiel de qualité de vie avec le distanciel… pourvu que l’on soit bien connecté. 88% des répondants ont jugé satisfaisant leur environnement de travail digital en télétravail mais 12% non.

Tous ces éléments convergent vers un enseignement majeur : il est possible de travailler à distance et même de manager ses équipes, d’autant que la relation managériale ne s’est pas détériorée pour 86% des répondants. Par contre, l’enjeu principal du travail de demain, largement « hors les murs » de l’entreprise, sera d’être connecté à son entreprise en toutes circonstances.

Toutefois, le travail intensément distanciel a ses limites. Les liens intra équipe sont restés bons pendant la crise mais 60% des répondants admettent moins échanger avec les autres équipes. Par ailleurs, 92% des répondants indiquent avoir hâte de retrouver leurs collègues dans des conditions normales. L’excès de distanciel présente des risques aux échelles individuelle, collective et organisationnelle et l’équilibre présentiel/distanciel devra se redéfinir.

Le travail « dans les murs » de l’entreprise ne disparaitra pas car le nomadisme s’accompagne toujours d’un besoin fort de lieu central, au risque de l’errance. Les locaux des entreprises seront sans doute moins fréquentés mais à travers une expérience plus intense nécessaire à la construction de l’identité du travailleur. Un nouvel espace-temps de travail se dessine pourtant avec des salariés désireux à 92% de gagner en liberté dans sa gestion.

La ville de demain sera donc celle dans laquelle on pourra travailler Any Time Any Where. Elle sera très certainement un espace de travail à la fois physique et digital. L’offre digitale des territoires sera centrale dans les stratégies spatiales des salariés car elle impacte directement la qualité du travail à distance donc la qualité de vie globale. Smart Office et Smart City définiront le travail de demain dans un environnement urbain de plus en plus phygital.

Frédéric Miquel

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